
CONTRATS ET FORCE MAJEURE DURANT LA PANDÉMIE
Vous avez ou avez eu des difficultés à remplir vos obligations au cours des dernières semaines en raison de la pandémie de Covid-19 ? Vos clients réclament un remboursement ? Vous craignez une poursuite en dommages et intérêts de vos partenaires commerciaux ? Vous songez à signer un contrat prochainement ?
Autant de préoccupations qui peuvent vous amener à vous questionner sur la force majeure et ses conséquences.
Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé élevait l’épidémie de Covid-19 ou Coronavirus officiellement au rang de « pandémie » suite à la propagation mondiale de cette nouvelle maladie. Le 14 mars, le Québec déclarait l’état d’urgence sanitaire et de nombreuses mesures restrictives des libertés personnelles et commerciales s’en sont suivies afin d’endiguer la propagation du virus. Ces mesures ne sont pas sans conséquences sur les vies des individus et des entreprises qui sont faites de contrats et d’obligations en tout genre.
Tout d’abord, qu’est-ce que la force majeure ?
L’analyse du contrat constitue l’étape numéro 1. En effet, la force majeure peut être définie par une clause du contrat prévoyant un ou des événements constitutifs de force majeure ainsi que ses conséquences.
Attention toutefois aux contrats passés entre un consommateur (1) et un commerçant! Ces contrats sont régis par la Loi sur la protection du consommateur (LPC) qui prévoit des règles d’ordre public auxquelles il n’est pas possible de déroger. Par exemple, en vertu de l’article 11(b) de la LPC (2), il n’est pas possible en principe dans un tel contrat de définir à l’avance les événements qui correspondent à une situation de force majeure.
Dans le cas où le contrat est silencieux, il faut alors se tourner vers le Code civil du Québec qui définit la force majeure à l’article 1470. Ce dernier pose 3 critères :
· Extériorité : l’événement en question ne dépend pas de la volonté des parties;
· Imprévisibilité : au moment de la formation du contrat, l’évènement n’était pas prévisible;
· Irrésistibilité : l’évènement rend impossible l’exécution des obligations. Le fait que les obligations soient rendues plus onéreuses ou difficiles ne permet pas de remplir ce critère.
La pandémie de Covid-19 constitue-t-elle un événement de force majeure ?
Qualifier un événement de « force majeure » est une question de faits qui requiert toujours une analyse au cas par cas. Il appartient aux tribunaux de décider, après analyse de la preuve présentée, si dans un cas donné tous les éléments de la force majeure sont réunis. La charge de la preuve repose sur le débiteur de l’obligation.
Dans la jurisprudence du Québec, une situation similaire à celle que nous vivons a déjà été qualifiée d’événement de force majeure. C’est le cas de l’épidémie de grippe A H1N1 qui a affecté le Mexique en 2009 alors que des touristes québécois avaient acheté leur voyage quelques jours auparavant. A leur arrivée, ils apprennent la situation épidémique suivi de la déclaration de l’état d’urgence par le gouvernement mexicain. Les juges de la Cour du Québec (division des petites créances) saisis de l’affaire, constatent l’exécution partielle du contrat par la compagnie organisatrice de voyage et -après une analyse circonstancielle de la situation- considèrent que les critères de la force majeure sont bien remplis. Ils libèrent alors la compagnie de ses obligations et lui ordonnent le remboursement de la portion des services qui n’a pas été fournie (3).
Si la force majeure est avérée, quelles sont les conséquences sur mes obligations ?
C’est encore une fois dans le contrat qu’il faut rechercher les conséquences prévues en cas de force majeure. Suspension, réduction ou encore une obligation qui reste due, autant de possibilités qui dépendent de la volonté des parties qui ont signé. Il s’agit du cas par cas rendant un examen détaillé de chaque contrat.
Si rien n’est mentionné sur ce point, l’article 1693 C.c.Q. prévoit que la force majeure libère le débiteur de ses obligations. Si un service ou une portion de service n’a pas été rendu et que le paiement avait déjà été effectué, cela pourrait donner lieu à restitution.
Vous envisagez de signer un contrat maintenant ?
C’est possible mais soyez bien conseillé! En effet, signer un contrat n’est pas anodin. Les obligations qui s’y rattachent peuvent avoir de lourdes conséquences en cas d’impossibilité du débiteur de les respecter. De plus, invoquer la force majeure pour des circonstances liées à la pandémie actuelle pourrait s’avérer bien plus difficile en raison de la prévisibilité de la situation.
Conclusion
Il est important de retenir que la force majeure liée à la pandémie de coronavirus ne peut pas être généralisée à tout le monde ni à tous les contrats simplement en raison de la situation exceptionnelle que nous vivons et des difficultés que tout un chacun est entrain d’affronter.
En effet, la force majeure dépend d’abord et avant tout de chaque contrat qui en précise le contenu et les règles d’application (à l’exception des contrats de consommation). Si le contrat est silencieux, le Code civil du Québec s’applique et il faut alors procéder à une analyse factuelle et contextuelle des trois critères -extériorité, imprévisibilité et irrésistibilité- qui permettra de dire si le débiteur peut se prévaloir de la force majeure pour se libérer de ses obligations.
(1) Le consommateur est défini par la LPC comme étant : « une personne physique, sauf un commerçant qui se procure un bien ou un service pour les fins de son commerce »
(2) Article 11 LPC : « Est interdite la stipulation qui réserve à un commerçant le droit de décider unilatéralement:
a) que le consommateur a manqué à l’une ou l’autre de ses obligations;
b) que s’est produit un fait ou une situation. »
(3) Lebrun c. Voyages à rabais (9129-2367 Québec inc.)
Cet article ne constitue pas un avis juridique. L’équipe de MTLex, boutique juridique est à votre écoute durant cette période complexe et reste à votre disposition pour répondre à vos questions. Nous vous invitons à nous contacter ici afin de nous soumettre toute situation particulière