Our Blog

COVID-19 ET RETOUR AU TRAVAIL

blog-post
May19

COVID-19 ET RETOUR AU TRAVAIL

Auteur: Elsa Rizkallah, avocate

Actualisé le 19 mai 2020


Le déconfinement annoncé par le gouvernement du Québec soulève de nouvelles inquiétudes chez les employeurs comme chez les salariés. Reporté au 25 mai dans la grande région de Montréal, il s’est déjà amorcé dans le reste du Québec. Dans quelles conditions retournerons-nous travailler ? A-t-on la possibilité de refuser ? Quelles obligations pèsent sur l’employeur ?


Dans cet article, nous revenons sur certains points de droit touchant la question de la sécurité au travail (1).


Refuser d’aller travailler, est-ce un droit ?

Au Québec, l’article 12 de la Loi sur la santé et sécurité du travail (LSST) prévoit la possibilité pour un employé de refuser d’exécuter un travail lorsqu’il a des « motifs raisonnables de croire » que cela l’expose à « un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou peut avoir l’effet d’exposer une autre personne à un semblable danger ». Il s’agit cependant de situations qui requièrent une analyse au cas par cas.


Dans le cas où une personne refuserait d’aller travailler, les étapes à suivre sont prévues par la loi. Le travailleur doit en informer l’employeur qui, à son tour, avise le représentant à la prévention (2) afin d’analyser la situation et de trouver des solutions. Un représentant de la CNESST (3) pourra intervenir à la demande du travailleur ou du représentant à la prévention qui estime que le refus est justifié ou à sollicitude de l’employeur qui, au contraire, considère qu’il ne l’est pas. Le représentant CNESST devra alors évaluer la situation pour déterminer s’il existe effectivement un danger.


Notons que l’article 30 de la loi interdit le congédiement d’un employé au motif que ce dernier a exercé son droit de refus. Cependant, si l’exercice de ce droit a été abusif, l’employé s’expose à un congédiement ou d’autres sanctions.


Pendant l’exercice de ce droit de refus, l’employé continue de recevoir son salaire. Il doit rester disponible et peut être affecté temporairement à d’autres tâches.


Enfin, d’autres limites s’imposent à certaines professions quant à l’exercice de ce droit. En effet, si le danger fait partie des conditions normales de la profession ou si le refus de travailler met en « péril immédiat » la vie d’une autre personne, sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, il n’est pas possible d’exercer le droit de refus selon l’article 13 LSST (4).


Mesures devant être prises pour garantir la sécurité au travail

La LSST prévoit en son article 51 une obligation générale pour un employeur de « prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique » de ses employés et fournit une liste non exhaustive de mesures à adopter. Même si cette obligation existait bien avant la pandémie, dans les circonstances actuelles ces mesures de protection devront être accrues. L’employeur a l’obligation d’identifier, de corriger et de contrôler les risques. Il est donc nécessaire de procéder à une analyse des conditions de travail et des mesures de sécurité à conserver, à modifier ou à ajouter. La CNESST invite l’employeur à le faire en collaboration avec les salariés. Le travailleur, quant à lui, est un acteur à part entière dans la garantie de cette protection et a l’obligation de ne pas se mettre en danger lui-même ni de mettre en danger une autre personne.


La CNESST a préparé une trousse à outils sous forme d’aide-mémoire et a également lancé une application Ma Trousse CNESST afin d’aider les employeurs à assurer un retour au travail sécuritaire. Parmi les mesures qui sont présentées, se trouvent les suivantes :


  • Planifier les activités afin de permettre un espacement d’au moins 2 mètres entre les travailleurs pendant le temps de travail ainsi que durant les pauses et les repas ;
  • Mettre à disposition les produits nécessaires au lavage des mains (eau et savon ou solution hydroalcoolique) sur le lieu de travail ;
  • Augmenter la fréquence du nettoyage -à chaque quart de travail- des surfaces avec lesquelles les travailleurs sont souvent en contact. Il s’agit par exemple des poignées de porte ou encore du matériel informatique ;
  • Établir une procédure d’identification et d’isolement des personnes présentant des symptômes de la maladie et en informer l’ensemble du personnel ;
  • Favoriser le télétravail ainsi que le travail en petites équipes ;
  • Prêter une attention particulière aux risques psychosociaux -violence, cyberharcèlement- auxquels sont exposés les travailleurs dans le contexte actuel -incluant ceux en télétravail- et veiller à prévenir ces risques ;
  • Informer les partenaires commerciaux et les clients des mesures prises et solliciter leur collaboration quant à leur respect.


Conclusion

Retenons donc que la pandémie de Covid-19 ne pourra pas être invoquée de manière générale pour refuser de se rendre au travail. Il s’agira en effet d’une étude au cas par cas qui devra tenir compte de la santé du travailleur, de son âge, du type et des conditions de travail, de l’environnement et de toute autre circonstance particulière.

Quant aux mesures qui devront être prises par l’employeur, chaque situation présente un risque propre et requiert donc une analyse du contexte de travail en amont. Une recherche de solutions adaptées est nécessaire. Le succès d’un retour au travail sécuritaire reposera d’abord et avant tout sur la collaboration de l’employeur et des salariés dans sa préparation ainsi que dans son exécution.

(1) Nous ne traiterons ici que de la Loi sur la santé et sécurité du travail du Québec, ce qui exclut les employeurs de compétence fédérale.


(2) S’il n’y a pas de représentant à la prévention, il pourra alors s’agir du représentant de l’association accréditée à laquelle appartient la personne qui refuse de se rendre au travail, ou à défaut, un autre travailleur choisi par elle.


(3) CNESST : Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail.


(4) Art. 13 LSST : Le travailleur ne peut cependant exercer le droit que lui reconnaît l’article 12 si le refus d’exécuter ce travail met en péril immédiat la vie, la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’une autre personne ou si les conditions d’exécution de ce travail sont normales dans le genre de travail qu’il exerce.

Cet article ne constitue pas un avis juridique. L’équipe de MTLex est à votre écoute durant cette période complexe et reste à votre disposition pour répondre à vos questions. Nous vous invitons à nous contacter afin de nous soumettre toute situation particulière et il nous fera plaisir de vous répondre.